Horses (Patti Smith)

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Patti Smith, surnommée la marraine du punk, incarne une voix, une présence scénique et un charisme incroyables. Le plus bel exemple de son impact s'est déroulé sur scène à Bercy en 2015 : invitée par U2, elle interpréta avec Bono deux de ses chansons. Dès le premier couplet de People Have The Power, elle réussit (enfin) à faire lever la foule, après une heure et demie d'un show millimétré mais manquant de chaleur de la part des stars de la soirée, U2.

L'équipe de Radio Collection ne manque jamais une occasion d'assister à un concert de Patti Smith sur les scènes françaises, et ce depuis plus de deux décennies. Chaque set est unique, ne serait-ce que par l'attitude de l'artiste : parfois habitée par ses démons, mais surtout capable d’envoûter la scène, l’espace et la foule par une énergie qu’elle transmet intensément à son public.

Ces deux dernières années, à 78 ans, son énergie a légèrement diminué, comme en témoigne la tournée 2024, où elle a parfois été aidée pour quitter la scène. Pourtant, son charisme reste intact. Désormais, ses sets mêlent chansons rock et lectures de poèmes, un retour aux sources pour cette artiste qui a commencé sa carrière en récitant ses textes sur scène. Très vite, elle a ressenti une furieuse envie de chanter ses poèmes sur une musique punk rock, comme pour donner du relief à sa colère, et à une époque où les artistes manquaient souvent de profondeur de texte depuis la disparition de Janis Joplin, de Jim Morrison et de Jimi Hendrix; alors Patti Smith a voulu rallumer la flame en enregistrant un album punk et dissident, empreint d’une violence contenue mais palpable, exprimée par des paroles poétiques alliant sensibilité et révolte. De cette ambition est né, en décembre 1975, son premier album, Horses. Les textes y prennent vie sur des compositions mêlant punk et rock alternatif. Les chansons évoquent les thèmes de la liberté, le fait de s'affranchir des règles des conventions et des contraintes, tirées de ses expériences personnelles et familiales. 

L’enregistrement de cet album fut tout sauf un long fleuve tranquille, en grande partie à cause des tensions entre les musiciens Tom Verlaine (Television) et Allen Lanier (Blue Öyster Cult), tous deux amants de Patti Smith. Ces tensions culminèrent en une bagarre dans le studio lors d’un désaccord sur les arrangements. Des frictions apparurent également entre Patti et le producteur de l’album, John Cale : Patti refusait tout compromis artistique, tandis que Cale cherchait à canaliser son énergie brute.

Horses contient 8 morceaux. Voici la liste des chansons et quelques détails sur chacune :

  1. Gloria

L'album ouvre avec l’iconique Gloria, une réinterprétation du titre de Van Morrison; réinterprétation car Patti ne retient que le refrain original, et ajoute des couplets très personnels qui ont fait scandale. Elle commence la chanson avec une provocation envers la religion extraite de son poème Oath : Jesus died for somebody’s sins, but not mine (Jésus est mort pour les péchés de quelqu'un, mais pas les miens). Patti Smith a écrit Oath en 1970, en réponse à son éducation de témoin de Jéhovah; le poème disait aussi : Christ, je te fais mes adieux, je te vire ce soir; Adam ne m’a jeté aucun sort. Sur Gloria, elle poursuit : Mes péchés n'appartiennent qu'à moi; les gens me disent de faire gaffe, mais j'en ai rien à foutre. Les mots sont simplement des règles et des règlementations pour moi.

Boom : le ton de l’album est lancé; Patti poursuit la chanson avec des paroles ambigues laissant entrevoir une relation lesbienne qui vaudra au titre d'être le porte étendard LGBT; elle joue avec les codes de genre pour offrir une liberté d'intérprétation qui n'est pas sans rappeler la pochette de l'album : revétue de la chemise emruntée à son frère, elle aborde un style androgyne.  Le mouvement punk, dont Patti Smith devenait une figure majeure, prônait une rupture avec les codes traditionnels de la société. Les femmes et les lesbiennes impliquées dans ce mouvement trouvaient en Patti une figure qui incarnait la force, l'indépendance et la capacité à s'exprimer sans concession.

  • Redondo Beach

Cette chanson raconte une histoire d’amour perdu sur une plage californienne.

  • Birdland

Morceau purement poétique et expérimental indpiré par un passage du livre Une Vie de Henry Muller

  • Free Money

Patti Smith raconte un souvenir d’enfance où sa mère rêvait de gagner à une loterie, afin d'échapper à sa vie modeste. Au fur et à mesure de la chanson, Patti Smith élève ce désir matériel en une vision poétique plus universelle. Elle décrit un monde où l'argent permettrait de réaliser des rêves : voyager, être libre, donner à ses proches ce qu'ils désirent. Mais avec l'idée que l’argent symbolise la possibilité de devenir libre, de s'affranchir des contraintes.

La chanson commence doucement, avec une mélodie presque intime, avant de s'enflammer en un crescendo puissant. Ce contraste illustre la montée en puissance des émotions et des aspirations.

  • Kimberly

Cette chanson est dédiée à la sœur cadette de Patti Smith. 

  • Break It Up

Chanson Co-écrite avec Tom Verlaine (du groupe Television), qui est à la fois un hommage à Jim Morrison et une métaphore de la lutte pour se libérer de ses contraintes, qu’elles soient physiques, émotionnelles ou spirituelles. La chanson célèbre l'idée que même face aux forces qui nous immobilisent, il est toujours possible de les briser et de se libérer. Patti Smith a écrit Break It Up après avoir rêvé de Jim Morrison. Dans son rêve, elle voyait Jim Morrison transformé en statue de pierre, essayant désespérément de se libérer.

La chanson s'ouvre sur une vision quasi mystique d'une figure enfermée dans le marbre, incapable de bouger. Ce thème de l'immobilité évoque une stase, un état figé de l'âme ou de la créativité. Patti Smith implore que cette figure soit libérée, criant Break it up! (brise-le !). Cela représente une volonté de destruction des barrières qui empêchent la liberté, qu’elles soient matérielles ou symboliques. 

  • Land 

Land est composé de trois parties (Horses, Land of a Thousand Dances, et La Mer (De)). Elle raconte l’histoire surréaliste et violente de Johnny, un personnage fictif.

  • Elegie

Elegie est une ballade sombre sur la perte de la mémoire, dédiée à Jimi Hendrix et à tous les artistes disparus. Elle a été enregistré dans le studio Electric Lady, que Jimi Hendrix avait fait construire avant sa mort.