The Dark Side of the Moon est l'un des albums les plus emblématiques de Pink Floyd et de l'histoire du rock. Sorti le 1er mars 1973, il marque un tournant dans la carrière du groupe, à la fois par sa complexité thématique, et ses innovations sonores. La qualité sonore et les thèmes profonds abordés assurent son immense succès commercial : il est resté dans le classement Billboard 200 pendant plus de 14 ans (741 semaines), un record. Il a influencé des générations de musiciens et reste un standard en matière de production et de conception d’albums.
La pochette, conçue par Hipgnosis et George Hardie, représente un prisme décomposant la lumière, symbolisant la simplicité et la complexité de l’album.
The Dark Side of the Moon est bien plus qu’un album ; c’est une œuvre intemporelle qui continue de fasciner et a une place centrale dans l’histoire du rock progressif.
1/ Enregistrement de l’album
L’album a été enregistré aux Abbey Road Studios à Londres entre mai 1972 et janvier 1973, avec comme ingénieur du son Alan Parsons, qui a joué un rôle clé dans la production de l’album. Son travail innovant avec les techniques de mixage et les effets sonores a profondément influencé le son final.
Pink Floyd a utilisé les toutes dernières technologies de l’époque, y compris des enregistreurs multipistes 16 pistes, ce qui était rare pour l'époque (voir notre article concernant Breakfast In America) et des synthétiseurs comme le EMS Synthi AKS et le VCS3.
Le groupe a également utilisé des bandes enregistrées pour intégrer des sons de bruitages (cloches de caisse, battements de cœur, rires, conversations).
Certaines chansons, comme Time et Money, ont été jouées en live avant même d'être enregistrées, ce qui a permis au groupe de les peaufiner.
Les paroles ont été majoritairement écrites par Roger Waters. Elles explorent des thèmes universels comme la vie, la mort, la folie, l’argent, et les pressions de la société moderne.
David Gilmour (guitare et chant) a contribué à l’écriture de la musique et à la composition des solos, notamment celui de Time.
Richard Wright (claviers) a joué un rôle clé dans l’élaboration de l’atmosphère sonore de l’album, notamment sur The Great Gig in the Sky.
Nick Mason (batterie) a contribué à l’ajout de sons expérimentaux et a supervisé l'intégration des effets sonores
2/ Les thèmes abordés
- Speak to Me / Breathe évoque la naissance et les premières inspirations de la vie.
- Time : la fuite du temps et le regret de ne pas l’utiliser efficacement.
- Money est une critique ironique de l'argent facile, de la société de consommation, et du capitalisme. Paradoxe et ironie : le groupe gagnera beaucoup d'argent avec cette chanson qui lui procurera également une énorme notoriété.
- Us and Them aborde les conflits, la guerre, les divisions humaines.
- The Great Gig in the Sky : voir ci-dessous.
- Brain Damage est une exploration de la folie, inspirée par l’état mental de l’ancien membre du groupe, Syd Barrett (on en reparle également ci-dessous). Les rires que l'on entend sont ceux des employés d’Abbey Road; Roger Waters leur posait des questions existentielles.
- Eclipse est une conclusion philosophique de tous les thèmes abordés sur l'album.
L’album commence et se termine par des battements de cœur, symbolisant le cycle de la vie.
3/ The Great Gig in the Sky
Roger Waters posait des questions existentielles aux employés des studios d’Abbey Road, comme : « Avez-vous peur de la mort ? », on peut alors entendre au début de la chanson le concierge des studios, Gerry O'Driscoll, dire : And I am not frightened of dying. Any time will do; I don't mind. Why should I be frightened of dying? There's no reason for it; you've gotta go sometime.
Cette chanson est une réflexion sur la mort, sublimée par la voix de Clare Torry qui a totalement improvisé sa partie vocale en une prise unique.
Clare Torry n'était pas une chanteuse célèbre à l'époque de son recrutement. Elle travaillait principalement comme choriste et chanteuse de sessions. Elle a été recommandée par Alan Parsons, l'ingénieur du son de l'album, qui avait collaboré avec elle auparavant.
Appelée un dimanche à son domicile, elle a d'abord refusé de venir ne prenant pas au sérieux la demande en pretextant un agenda chargé; sur l'insistance d'Alan Parsons, elle se décida à venir sans savoir ce que Pink Floyd attendait d'elle. Elle savait seulement que le groupe recherchait une voix pour un morceau qui évoquait la mort, et qu’ils souhaitaient une performance vocale improvisée, le groupe attendait d'elle qu’elle ressente la musique et improvise entièrement.
Alors elle a commencé à chanter à l'instinct, en gémissant et faisant des variations vocales censées traduire une gamme d’émotions intenses, allant de la douleur à l’extase. Son chant évoque les différentes étapes de la vie et de la mort, de la peur au lâcher-prise, en passant par l’acceptation.
Après la première prise, elle s’est excusée, pensant que son improvisation était exagérée. Mais le groupe, impressionné, a demandé quelques ajustements mineurs et a utilisé la performance telle quelle.
Sa contribution a été un élément central du succès et de l’impact émotionnel de The Great Gig in the Sky. Sa voix a capté l’essence du thème de la mort sans utiliser de paroles, rendant le morceau universellement compréhensible. Elle a transformé un simple morceau instrumental en une pièce vocale puissante, pleine de vie et de vulnérabilité.
Démarche juridique
Pour sa prestation, Clare Torry a reçu un paiement forfaitaire de 30£, somme habituelle pour une chanteuse de session à l’époque, et n'a pas été créditée comme co-auteur de la chanson, son nom n'apparaissant que dans la section des remerciements.
Dans les années 1990, Clare Torry a commencé à revendiquer une plus grande reconnaissance pour sa contribution à la chanson. Elle estimait que son interprétation vocale improvisée constituait une véritable création artistique et méritait un crédit de co-écriture.
En 2004, elle a intenté un procès contre EMI et Pink Floyd, demandant à être reconnue comme co-autrice de la chanson. Le tribunal a donné raison à Clare Torry, reconnaissant que sa contribution était essentielle à la composition du morceau. Elle a obtenu un crédit officiel de co-auteur aux côtés de Richard Wright, le compositeur original de la piste instrumentale.
Depuis le verdict, toutes les rééditions de The Dark Side of the Moon créditent Clare Torry comme co-autrice de The Great Gig in the Sky. Cette affaire a soulevé des discussions dans l’industrie musicale sur les droits des musiciens de session et leur rôle dans le processus créatif.
4/ Relations entre les membres du groupe
À l’époque de l’enregistrement, les membres du groupe étaient encore unis autour d’une vision commune, mais les tensions commençaient à émerger, en particulier entre Roger Waters et David Gilmour. Roger Waters a progressivement pris le contrôle créatif de Pink Floyd. Bien que cela ait donné naissance à des chefs-d'œuvre comme The Dark Side of the Moon, cette dynamique a aussi semé les graines des conflits futurs.
Même si Syd Barrett avait quitté le groupe plusieurs années auparavant, son influence était encore palpable. Sa descente dans la folie a inspiré des chansons comme Brain Damage.
Syd Barrett, le membre fondateur de Pink Floyd, est venu brièvement en studio pendant les sessions d’enregistrement de The Dark Side of the Moon. Cependant, cet événement est entouré d’un mélange de mystère et d’émotion, car il est survenu plusieurs années après son départ du groupe en raison de problèmes de santé mentale et de son comportement imprévisible, largement attribués à sa consommation excessive de drogues psychédéliques.